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Le risque de dérive « à la hongroise » du paysage médiatique français

Les médias du groupe Bolloré sont régulièrement accusés de prendre modèle sur la chaîne conservatrice américaine Fox News. Mais au fil des rachats des chaînes et des journaux par le milliardaire breton et de la mise au pas de leurs rédactions, le paysage médiatique français ressemble de plus en plus à celui d’un pays nettement plus proche de nous : celui de la Hongrie. Depuis 2010 et son retour au pouvoir dans ce pays d’Europe centrale, le premier ministre nationaliste, Viktor Orban, a réussi à mettre une grande partie des médias à sa botte, au prétexte de lutter contre les journalistes « de gauche ».
Utilisant le paravent des sujets migratoires, du wokisme ou de la guerre en Ukraine, traités de façon non journalistique dans le seul but de faire peur, ils sont devenus la meilleure arme de M. Orban pour rester au pouvoir en détournant notamment l’attention des scandales de corruption gênants. « Celui qui contrôle les médias d’un pays décide qui contrôle la pensée de ce pays et, ainsi, qui contrôle ce pays », a résumé dans un propos éloquent son actuel directeur de cabinet, le très influent Balazs Orban (qui n’a pas de lien de famille avec le premier ministre), dans un discours tenu début 2023.
Au gré de messages décidés directement dans les bureaux du premier ministre, les médias gouvernementaux hongrois peuvent s’attaquer aux opposants, aux organisations non gouvernementales ou à l’Union européenne sans jamais s’embarrasser des principes essentiels de la déontologie journalistique tels que le droit au contradictoire. Les fake news sont le pain quotidien d’une grande partie des Hongrois, tandis que les derniers journalistes professionnels qui essayent d’établir une vérité commune ont de plus en plus de mal à se faire entendre.
Bien sûr, la France n’est pas encore dans une telle situation, ne serait-ce que parce que l’extrême droite admirative de M. Orban n’y est pas au pouvoir, et ne peut donc pas s’attaquer à l’indépendance de l’audiovisuel public.
Mais le parcours médiatique du dirigeant magyar appelle à la vigilance tous ceux qui souhaitent éviter un basculement politique vers l’extrême droite. C’est en effet depuis l’opposition, entre 2002 et 2010, que M. Orban a commencé à établir un paysage médiatique à sa botte, avec l’aide d’un homme d’affaires politiquement aligné.
Après avoir connu une défaite aux législatives de 2002, il l’attribue à « la pensée publique libérale qui domine les médias » et se jure de tout faire pour que cela ne se reproduise plus. Il appelle à l’aide Lajos Simicska, un riche entrepreneur. Ce compagnon de route de longue date de son parti, le Fidesz, a déjà racheté le Magyar Nemzet, principal quotidien conservateur du pays. En 2003, il finance le lancement d’une chaîne de télévision, Hir TV, qui sera dirigée par l’ancien porte-parole de M. Orban. En parallèle, M. Orban organise des manifestations devant la télévision publique pour appeler à un référendum afin qu’« qu’elle soit divisée en deux chaînes », dans le but cocasse que chacun des deux principaux partis hongrois puisse avoir sa propre télévision.
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